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L'EXPOSITION EXPLIQUÉE PAR UN DOCTEUR


Pour vaincre l'anxiété, les phobies et l'angoisse, une technique thérapeutique consiste à l'exposition. On dit qu'il faut s'exposer au problème, faire face à ses peurs pour les vaincre. Mais cela peut revenir à déclencher des crises de panique chez l'individu qui met en pratique cette technique. D'autres fois, l'exposition semble inadaptée puisqu'elle revient à se faire volontairement souffrir. En réalité, l'exposition fonctionne quelque peu différemment. Alors comment faire pour s'exposer ? Le docteur David Carbonnell (docteur diplômé de doctorat) exerce à Chicago et a ouvert un Centre de Traitement de l'Anxiété. Il explique sur son site "coach d'anxiété" la bonne technique d'exposition, celle qui est moins douloureuse et réellement thérapeutique, pour vaincre ses peurs et ses angoisses.


Cet article de blog est majoritairement une traduction de son article sur la pratique de l'exposition.

EXPLICATION DU PROCESSUS BIOLOGIQUE DE L'ANXIÉTÉ

D'après lui, la thérapie d'exposition est prouvée comme étant la plus efficace contre la plupart des troubles anxieux. Elle vise à "ré-entraîner" le cerveau, et ne consiste pas juste à s'habituer à la peur. Elle consiste plutôt à ré-entraîner le cerveau à cesser d'envoyer des signaux de peur quand il n'existe en réalité pas de danger. Les souffrants ont des difficultés à se libérer de leurs attaques de panique, crises d'angoisse et de leurs phobies parce qu'ils reconnaissent que leurs peurs sont exagérées et illogiques. C'est le propre de la "sphère névrose" (trouble anxieux) de donner de grandes dimensions émotionnelles, de dramatiser une idée ou un évènement qui n'est pas en soi dramatique, tout en sachant que cette dramatisation est surdimensionnée. Les souffrants vont alors essayer de se convaincre de ne pas angoisser sans y parvenir. Cela ne les aide en réalité pas, et ils finissent par éviter leur peur, ce qui est exactement ce qui renforce la peur, l'angoisse. C'est là que l'exposition vient agir pour permettre un lâcher-prise sur les peurs, les angoisses et les autres formes de trouble anxieux.


LA RÉPONSE DU CERVEAU "FUITE OU LUTTE"

Lorsque notre cerveau nous signale un danger, cela déclenche automatiquement une réponse familière, celle de la réponse "fuite ou lutte". C'est une réponse biologiquement nécéssaire et efficace puisqu'elle permet de réagit vite et de façon efficace lorsqu'on se retrouve en réel cas de danger. Cette réponse plus primitive nous vient de nos ancêtres qui en avaient grandement besoin, en l'absence de forces de police et en présence de tous ces prédateurs, et nous l'utilisons aujourd'hui encore à bon escient (par exemple lorsque l'on sent une agression imminente). Cette réponse nous permettait d'obtenir suffisamment à manger chaque jour, à condition de ne pas devenir soi-même la nourriture d'un autre prédateur. Ce véritable signal d'alarme était donc crucial, important, utile et efficace.


Si l'être humain n'avait pas eu cette réponse "lutte ou fuite" et s'était reposé sur ses facultés cognitives, sa capacité à réfléchir, sur le cerveau intellectuel appelé le cortex cérébral, pour le garder en vie, alors l'espèce humaine se serait éteinte. Cette faculté-là est beaucoup trop lente. Elle est efficace lorsqu'il s'agit de rédiger un discours ou de comprendre nos impôts, mais certainement pas pour nous permettre de prendre une décision immédiate face au danger. La partie de notre cerveau qui dirige et déclenche la réponse "lutte ou fuite" est différente de celle que nous utilisons davantage aujourd'hui, celle du cortex cérébral.

L'AMYGDALE

L'amygdale est une partie de notre cerveau, en forme d'amande, et elle est celle qui prend les décisions "lutte ou fuite". Elle travaille vite à la décision, sans processus de conscience, la décision est prise sans que l'on en soit conscient, parce que la vitesse est vitale à la protection contre la menace. On se rend compte de ce que l'Amygdale fait seulement quand on ressent ses effets dans le corps (il s'agit des sensations de panique) et dans notre comportement (fuite).


Lorsqu'on prend une décision, il peut y avoir deux types d'erreurs.

L'une est faussement positive. Si l'on décide qu'il y a un tigre qui se cache derrière des hautes herbes, alors qu'il n'y en a pas, c'est une décision faussement positive. Lorsqu'on fait une erreur faussement positive, on prend peur en l'absence de danger, mais on ne se fait pas dévorer.

La deuxième est faussement négative. Si l'on décide qu'il n'y a pas de tigre caché, alors qu'il y en a bel et bien un, c'est une fausse négative. Lorsqu'on fait une erreur faussement négative, on se sent bien, mais on va être dévoré.

Notre amygdale se fiche de combien de fois nous nous effrayons sans que ce soit nécéssaire, elle est seulement là pour nous garder en vie. Elle ne souhaite pas faire d'erreur faussement négative.


Quand on fait l'expérience de phobies et d'attaques de panique et que l'on veut les surmonter, on a besoin d'un traitement contre l'anxiété qui va entraîner cette partie-là du cerveau. Et la façon la plus rapide, c'est donc la thérapie d'exposition.



L'AMYDGALE, TOUJOURS EN TRAIN DE SURVEILLER


Elle surveille en fond, constamment, les moindres signes de danger. Et elle s'active dès qu'on fait face à un danger qu'il soit réel ou faux. Elle fonctionne cependant comme il y a 27,000 ans avant J.C. et entraîne à voir le danger quand il n'y en a pas. Elle apprend par association, et non par logique.


Dès que l'on est en mode "fuite", l'amygdale se tait et revient au stade de surveillance silencieuse. Et cela peut entraîner à fuir complètement des objets de peurs faussement positives (un chien, un supermarché, etc). C'est là que c'est négatif, l'amygdale est donc conditionnée à voir le chien et le supermarché comme des sources de danger et elle décidera de nous rendre apeurés dès que l'on en croisera un la fois d'après.



ASSOCIATION PLUTÔT QUE LOGIQUE


L'amygdale apprend par association. Elle associe les supermarchés bondés de monde et les chiens comme des dangers. Elle n'apprend pas cela par processus de pensée consciente, c'est pour cela qu'on ne peut pas se convaincre, se persuader de ne pas avoir peur quand on vit une réelle phobie ou une attaque de panique. L'amygdale est déjà enclenchée, elle a sauté l'étape conscience (comme expliqué ci-dessus) et elle ne fonctionne de toute façon pas de manière consciente puisqu'elle est primitive. Le souvenir de la peur se loge comme "peur apprise, peur conditionnée" et un conditionnement ne peut être relâché que par davantage de conditionnement, certainement pas la raison ni la discussion.


L'amygdale n'apprend que lorsqu'elle est active : lorsque elle considère qu'il y a un danger et donc, que l'on a peur. On peut donc conditionner l'amygdale quand on est en situation de peur. Elle ne peut pas comprendre les mots, elle peut comprendre les associations, les leçons de vie (ou leçons apprises par expérience concrète). Le reste du temps, elle est en autopilote, en spectateur qui regarde passivement ce qu'il se passe. Donc, en restant loin de ses peurs, le souffrant va continuer à "croire" les mêmes erreurs (associations, peurs), sans avoir l'occasion de pouvoir apprendre quoi que ce soit de nouveau.



COMMENT PARLER À L'AMYGDALE, COMMENT LA CONDITIONNER ?


1) Appuyer sur la détente


On a donc compris que l'amygdale apprend par l'expérience. Si l'on fuit chaque fois que l'on souffre donc d'une crise de panique ou une crise d'angoisse, l'amygdale apprend alors qu'il faut "fuir pour être en sécurité". Or, on ne peut pas fuir un crise de panique et on nourrit au contraire l'anxiété quand on fuit. Comment apprendre quelque chose de nouveau à l'amygdale ? Il faut l'activer en se confrontant à ce qui agit comme "trigger" (lexique), comme déclencheur de l'anxiété chez nous. Si l'on souffre d'une phobie des chiens, il s'agira de s'approcher d'un chien, s'il s'agit d'une peur de se rendre au supermarché (agoraphobie souvent), il faudra se rendre au supermarché. Mais là où l'exposition diffère de simplement "se jeter dans la gueule du lion", c'est qu'il faut s'exposer jusqu'à ce que la peur redescende, dans le respect de ses propres limites.



2) S'approcher d'une peur qui reste approchable, d'abord


On ira ainsi d'abord s'exposer en face d'un chien agréable et gentil, que notre entourage connaît, ou dans un supermarché accompagné(e), ou bien un supermarché plus agréable ou sympathique selon nous. La première idée est non pas de tout de suite déclencher une crise mais d'abord d'associer une expérience neutre ou positive à ce qui fait objet de notre peur, cela revient aussi à "commencer par le plus facile" pour commencer quelque part. Un premier pas.



3) Comprendre que la peur est infondée


Ensuite, il s'agira de comprendre que la peur n'est pas fondée, il faudra enseigner à l'amygdale qu'elle s'est activée pour rien. Pour cela, il faudra s'approcher du supermarché que l'on redoute, ou du chien que l'on redoute, et rester et ce jusqu'à ce que "la panique", l'anxiété redescende. Cela permet à l'amygdale de s'activer et de comprendre que les chiens et les supermarchés, les objets de la peur ont été mal associés : ils ne sont pas des réels dangers ou menaces.



4) Répéter, sans être radical


En répétant l'opération, toujours en restant plus longtemps, de façon plus exposée à notre peur et en repoussant nos limites, l'amygdale enregistre bel et bien ce nouveau souvenir, cette nouvelle mémoire, celle qui nous permet de vivre notre vie sans ces phobies et attaques de panique. Le sujet ne doit pas faire d'exposition radicale et rapide. Il faut en fait continuellement s'arranger pour activer l'amygdale en s'exposant à ce que l'on redoute, rester sur place, s'arriver que la peur s'envole avant de partir.



5) Ne jamais partir sous le coup de la panique

La seule erreur à ne jamais faire serait de partir sous le coup de la panique. Cela renforce la première association de l'amygdale. Mais il existe des cas où la situation anxiogène est insupportable, et l'où partir reste la seule solution envisageable. Certains chiens nous font très peur, parce qu'ils sont en réalité assez agressifs et même si ils n'iront pas nous mordre, ils sont tout de même à éviter (une morsure peut rationnellement arriver avec un chien agressif qui défend son territoire ou cherche à protéger un proche comme un jeune enfant, par exemple). Dans ce cas, si la fuite est inévitable, il est crucial de recommencer dès le lendemain, de retourner près de l'objet de la peur — non pas celui jugé comme proche du danger rationnel, mais près d'un autre objet de peur. Par exemple, si se rendre au supermarché un lundi à 18h était trop effrayant et compliqué, et que le sujet s'est enfuit ou a subi une attaque de panique qui l'a empêché de se rendre au supermarché, alors le sujet doit réitérer l'exposition dès le lendemain. Il faut retourner vers la peur pour ne surtout pas retourner dans les anciennes associations.



6) Bienveillance VS force mentale


Il faut aussi savoir s'accorder le bon ratio de bienveillance et de force mentale. Le sujet ne doit pas se mettre en souffrance totale et se rendre malade. Il doit aussi savoir appliquer de la bienveillance, comme un coach sportif, et se répéter à l'aide de ses mantra, de son mental, "tu as bien travaillé aujourd'hui, maintenant repose-toi, on verra le reste demain. Tu as bien mérité de t'accorder un moment agréable avec une activité sympathique".



7) Rester jusqu'à ce que la peur s'envole


Le "clou du spectacle", le point fort de l'exposition n'est pas de s'exposer, se mettre en panique et s'enfuir. Il s'agit au contraire d'activer la peur, rester, se rendre compte que tout va bien (en travaillant avec un coach ou un thérapeute TCC qui guide à développer la pensée rationnelle, la pensée alternative), et partir une fois seulement que toute anxiété est redescendue. L'anxiété finit toujours par retomber. Elle est comme une courbe qui augmente jusqu'à la crise de panique, et chute de façon dramatique pour se stabiliser de nouveau. Il faut s'assurer "que la peur quitte les lieux avant que vous ne le fassiez". Pour cela, il existe des techniques TCC pour tenir face à la peur, ou bien le sujet peut décider de se laisser "flotter" (théorie de Claire Weekes).


L'anxiété finit toujours par redescendre. Ne cherchez plus les causes de votre anxiété, cherchez plutôt à la combattre !


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