ATTENTION À LA RÉASSURANCE
Attention à la réassurance
Mis à jour le Mardi 26 Septembre 2017 — Valéria Bard
A première vue, la réassurance est un mot qui a des sonorités positives. On se rappelle de nos proches qui nous rassurent quand on va mal, d’un docteur qui nous rassure, voire même du doudou de notre enfance. Dans le cadre du toc, la réassurance est en réalité un fruit empoisonné, à première vue agréable mais en réalité toxique pour l’obsessionnel.
Qu’est-ce que la réassurance ?
Il s’agit du fait de chercher un réconfort extérieur sur une idée intérieure. On cherche un point d’ancrage sur lequel se reposer, qui viendra de quelqu’un d’autre, d’internet, ou autre. Rechercher la réassurance, c’est s’adonner à la compulsion de son toc du couple. Cela nourrit le toc, qui fonctionne par boucle d’obsession (ce qui nous pousse à chercher la réassurance) puis de compulsion (vérifier et/ou chercher la réassurance).
La réassurance excessive, implique le besoin de vérifier avec un proche (voire même avec quelqu'un qui ne l'est pas...), et ce, de manière continuelle pour s'assurer que tout va bien, que tout est normal par rapport à une obsession, une inquiétude précise. Les demandes de réassurance excessives augmentent souvent lorsque le niveau d'angoisse est élevé et/ou quand la personne se sent incapable de tolérer l'incertitude.
Quelle forme prend la réassurance ?
Elle peut exister sous différentes formes.
Il existe les classiques,
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La comparaison : “Est-ce que vous aussi ça vous fait ça ? Est-ce que vous aussi vous connaissez ces symptômes ?”
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La norme : “Est-ce que c’est normal de ressentir ça? Est-ce que c’est normal que je ne pense pas ça/ que je pense constamment à ça ?”
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Les questionnements existentiels : “Je me demande si je ne serais pas un(e) phobique de l’amour/si je ne suis pas dépendant(e) affective/si l’origine de mon toc ne viendrait pas nos parents/d’un traumatisme, qu’en pensez-vous ?”
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La projection : (Lexique) “Ah bon tu as pensé ça/fait ça toi aussi ? Comment ça s’est passé ? Tu peux me raconter ton histoire ? Comment a-t-il/elle réagi ? Est-ce que tu te sens soulagé ? Tu es guéri ? Comment as-tu guéri ?” (ici l’obsessionnel cherche en fait à compulser sur ses ruminations en utilisant l’histoire d’une autre personne, il projette ses obsessions sur l’autre).
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La vérification : (Lexique) “Tu penses que je l’aime ? Tu penses qu’il/elle est beau ? Tu penses qu’il/elle est intelligent ? Qu’on est fait pour être ensemble ?”
Pourquoi doit-on éviter la réassurance ?
- C'est une sorte de compulsion: la recherche de réassurance excessive est un acte qui est effectué encore et encore dans l'espoir de réduire l'angoisse liée à l'obsession.
- Ça donne une validité, une pertinence à l'obsession: chaque fois qu'une personne atteinte d'un trouble obsessionnel se met à compulser, cela induit un renforcement de la pertinence de cette obsession. Après tout, pourquoi rechercher la réassurance puisqu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter.
- Ça entraîne l'évitement: ça renforce également l'idée que la personne ne peut pas faire face à l'incertitude et à la détresse associée à l'obsession et du coup, cet évitement devient la seule solution. L'évitement est parfaitement nocif dans le cas des troubles obsessionnels puisqu'il empêche la personne de découvrir que ses craintes sont infondées. Ainsi, même si la réassurance fait que la personne se sent mieux pendant une courte période, à long terme, cela sert uniquement à perpétuer les symptômes du TOC.
- La réassurance est nocive aux relations: Enfin, les proches qui sont une source vitale de soutien social peuvent parfois être agacés ce qui peut les conduire à éviter la personne affectée, ce qui a pour incidence d'élever leur niveau d'angoisse. L'angoisse est un des principaux symptômes des troubles obsessionnels et requiert une thérapie adaptée
" La recherche de réassurance excessive est une sorte de compulsion : un acte qui est effectué encore et encore dans l'espoir de réduire l'angoisse liée à l'obsession "
Voyons quelques exemples.
EXEMPLE 1 : Jane éprouve des obsessions liées à l'idée d'accrocher quelqu'un en voiture sans s'en rendre compte. Elle demande du coup souvent à son mari de regarder dans le rétroviseur pour être sûre qu'elle n'a pas roulé sur quelqu'un sans le voir. Bien qu'ennuyé, son mari ne voulant pas qu'elle angoisse, regarde dans le rétro lorsque sa femme lui demande et lui dit que tout va bien.
EXEMPLE 2 : Rahim a des obsessions sexuelles, il a peur de violer quelqu'un. Même si Rahim trouve ses pensées très pénibles et qu'il ne veut pas les avoir, il est convaincu qu'avoir ces pensées signifie qu'il est un violeur. Il demande constamment à son frère s'il pense qu'il est dangereux et s'il l'a déjà vu violer quelqu'un. Son frère refuse de discuter de la question ce qui angoisse Rahim.
EXEMPLE 3 : Donna est angoissé de contracter une maladie sexuellement transmissible en manipulant les poignées de portes dans les lieux publics. Après avoir lavé ses mains, elle demande souvent à un amis, voire à un étranger, quand l'angoisse est a son maximum, si ses mains sont propres ou si elle doit s'inquiéter d'attraper une maladie. Même si on lui dit qu'elle n'a pas à angoisser pour ça, elle pose un certain nombre de question de type "et si...?" ou "même si..." jusqu'à ce qu'elle se sente complètement en confiance par rapport à la propreté de ses mains. Ses amis et sa famille évitent désormais d'aller dans des lieux publics avec elle à cause de ses angoisses.
EXEMPLE 4 : Zhang a des obsessions par rapport au fait que son épouse meure dans un accident. Il l'appellera plusieurs fois par jour pour s'assurer qu'elle soit bien vivante, que tout aille bien et se mettra en colère si elle ne peut pas lui répondre. Les collègues de sa femme commencent à se rendre compte de la situation vu le nombre d'appel qu'elle reçoit. Elle, est préoccupée par rapport à l'impact des angoisses de son mari su sa carrière.
Quelle est la meilleur manière de faire face à la recherche de réassurance ?
- Comprendre que la réassurance est tout simplement une compulsion qui doit être réduite ou éliminée. Ça peut être fait par exemple dans le cadre d'une thérapie en famille avec un spécialiste de ce type de troubles.
- Il faut être d'accord pour arrêter. Dans le contexte du traitement du trouble, le patient comme ses proches doivent s'accorder pour ne plus demander/fournir une réassurance excessive. Ça peut être difficile pour les membres de la familles qui souvent, ne veulent rien de plus que diminuer le niveau d'anxiété de la personne qu'ils aiment. Quoi qu'il en soit, une fois que les membres de la famille réalisent que la recherche de réassurance est une forme de compulsion, beaucoup sont capables d'arrêter.
- Cibler les principaux problèmes. Il est souvent très utile pour le patient et ses proches d'identifier un nombre précis de cas de figure ou la personne cherche de la réassurance et d'écrire à chaque fois la réponse à cette réassurance ("les mains sont propres, il n'y a pas de maladie" pour reprendre l'exemple 3) sur une "carte repère" que le patient peut avoir sur lui. Chaque fois que la situation l'exige, ils pourront sortir la carte et lire la réponse plutôt que de demander directement aux proches. Même si ça représente toujours une compulsion, cela réduit la détresse et améliore la réaction avec les autres.
Afin de réduire la "recherche de réassurance" directement, le plus efficace serait d'enseigner à nos proches les stratégies sur le toc pour gérer l'absence de certitude.
Comment conseiller un obsessionnel qui cherche la réassurance ?
La première chose à faire: ne répondez pas à sa question. Si vous répondez « moi aussi, je fais souvent l'expérience de cette situation, j’ai souvent ce sentiment » ou « je n’ai jamais vécu ça, je n’ai jamais ressenti ou pensé à ça », voire encore « je pense que c’est normal / anormal de ressentir ça », « je pense que tu l’aimes / que tu devrais rompre », « je pense que le toc ne vient pas de ton traumatisme d’enfance / qu’il vient de ton traumatisme », etc, vous pouvez soit le rassurer (mauvais) soit le faire ruminer de plus belle.
1) En répondant par la négative: vous allez générer de fortes angoisses chez l’obsessionnel « ah bon tu crois que je ne l’aime pas? ça m’ennuie que tu dises ça, ça m’angoisse beaucoup. Tu crois que je devrais rompre? Mais... je ne suis pas d’accord... Mais ça m’ennuie maintenant ça m’obsède »
2) Si vous répondez par la positive: vous nourrissez son toc et la réassurance. L’obsessionnel sera satisfait pendant un court moment (lire le lexique: terme satisfaction). La question va revenir l’obséder, parce que vous ne l’avez pas du tout aidé : vous l’avez rassuré. Ce qu’il se passera ensuite, c’est que l’obsessionnel va vous reposer la question, parfois cela peut durer des heures et tourner en boucle... Ou bien, dans le meilleur des cas, il/elle se satisfera de la réponse et reviendra vers la source de réassurance au moindre problème. Donc, vous. Il viendra vous demander ce que vous en pensez, et comment doit-il/elle faire. Petit à petit, l’obsessionnel ne sera plus du tout capable de trouver ses propres réponses, et l’angoisse qu’il/elle ressent devant chaque problème sera de plus en plus grande, et le démunira complètement. A terme, il/elle en arrive à une névrose importante, ce qui nourrit le terrain anxieux (lexique) et permet ainsi à l’anxiété de se ramifier en de nouveaux troubles associés.
Conclusion : Tant que la réponse ne vient pas de l’obsessionnel lui même, tant que la réponse ne vient pas de l’intérieur mais qu’elle vient de l’extérieur, la question va revenir, l’obsessionnel va continuer à “être en boucle”. La TCC vise ainsi à entraîner l’obsessionnel à se formuler ses propres réponses intérieures, qui deviennent difficile à formuler et à entendre quand on est submergé par l’obsession et l’anxiété/angoisse.
Que puis-je faire pour conseiller, alors ?
Ce que vous pouvez faire, c’est de ne pas répondre à la question, mais plutôt...
1) Rediriger vers une autre question, plus saine, si vous connaissez un minimum l’anxiété, les tocs et la TCC. Par exemple “je ne sais pas, mais penses-tu que ce soit grave si ce n’est pas “normal” de ressentir ça?”, “penses-tu que c’est important de réfléchir à ça?”, “qu’est-ce que ça ferait si peu d’autres personnes avaient cette pensée?”
2) Observer le comportement/les mots de l’obsessionnel et lui indiquer ce qu’il/elle est en train de faire, comme “tu anticipes”, “tu laisses l’anxiété monter là”... simplement lui indiquer ce qu’il/elle est en train de faire, sans répondre à sa question.
3) Le plus simple: Indiquer une technique pour toute réponse à donner à l’obsessionnel. Exemples “tu devrais remplir le tableau TCC pour décortiquer ta pensée et trouver ta réponse”, “tu devrais lâcher prise, essaies un calmant ou de prendre des gellules/une ampoule de plantes relaxantes”, “prends ton carnet de mantra avec toi toute la journée et relis-les dès que tu angoisses”
Rédaction : Valéria Bard
Source : Docteur Owen Kelly, Article — Traduction : Julien Arfeux