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L'HABITUATION
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L'habituation en 8 étapes
Mis à jour le Jeudi 6 Octobre 2017 — Sylvaine Belloni et Valéria Bard
Qu’est-ce que l’habituation ? On parle en réalité d’habituation et non de guérison ou rémission pour le ROCD. Pourquoi ? D’abord parce que le terme guérison indique qu’il y a eu une maladie et un traitement sans besoin de « travailler » pour « guérir ». En psychologie, le terme guérison est inadapté. Ensuite, on ne parle pas de rémission parce qu’il ne s’agit pas non plus d’un cancer qui vient et qui part, une maladie que l’on subit sans avoir le pouvoir de décider de la chasser ou non. Avec le ROCD, c’est le travail, la volonté, et la décision de s’en sortir qui font qu’on peut atteindre ce qu’on appelle « l’habituation ».
En psychologie, l’habituation c’est d’abord prendre l’habitude d’être pris de pensées intrusives et d’anxiété. On peut s’habituer avec le temps à ressentir parfois de l’anxiété et même à laisser des crises d’anxiété ou crises de panique nous traverser. Mais grâce à la TCC et à la méditation, l’obsessionnel apprend à ne pas laisser l’anxiété avoir une prise sur lui. Il apprend au contraire à laisser ces émotions et pensées le traverser, sans chercher à les dramatiser, les craindre, ni les contrôler. L’habituation, c’est l’habitude des stimuli, il s’agit de la finalité de l’exposition. Le sujet a appris à vivre avec le toc, il n’y a donc plus vraiment de conflit intérieur, plus beaucoup d’obsession et de symptômes handicapants. L’habituation arrive souvent quand l’obsessionnel a l’habitude du toc et qu’il est avec le/la même partenaire depuis longtemps (il a déjà dépassé beaucoup d’étapes avec son/sa partenaire). Il en arrive à une relation de couple très proche d’une relation normale. Le toc réapparaît parfois, et davantage encore quand il change de partenaire même si le travail et les efforts fournis sur plusieurs années ne se perdent jamais.
A noter donc que le ROCD ne disparaît pas vraiment complètement, et ce n’est de toute façon pas ce que le sujet doit rechercher. S’obstiner à se rassurer en se disant qu’une guérison totale est possible, c’est s’enfermer dans une illusion irréaliste et parfois douloureuse, et se donner moins de chances pour l’habituation. L‘idée que l’habituation est simplement « s’habituer à souffrir » est plutôt fausse, puisque les personnes qui ont atteint l’habituation sont en réalité en grande paix avec eux-mêmes et leur trouble. Il s’agit en réalité d’apprendre à vivre totalement dans le lâcher prise et le bonheur, sans chercher à nier l’existence de la souffrance passagère qui survient même dans la vie des neurotypiques (lire le terme dans le lexique).
Bruno Ping a dressé sur son site les étapes pour atteindre l’habituation. Son site en anglais relationshipocd.com est un site privé de coaching ROCD, Bruno Ping est un anglophone anciennement souffrant de ROCD qui a décidé de partager son expérience et ses exercices en rendant cependant son contenu et son soutien payant, réservé à sa clientèle.
Les étapes vers l’habituation sont :
1. Rechercher des informations sur le toc du couple, le ROCD
2. S'interroger si le sujet souffre bien du ROCD
3. Accepter le ROCD
4. Commencer à changer chaque jour : maintenir ses efforts
5. Apprendre et développer les meilleures stratégies : thérapie, exercices et pensée positive
6. Avancer avec courage et patience
7. Accepter et embrasser l'incertitude
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Et...
Le sujet doit dépasser l'étape 3 pour avancer. L’acceptation du toc est la plus difficile à réaliser. Le suivi avec un thérapeute qui pratique la TCC, ainsi éventuellement qu’un traitement par antidépresseurs pour certains sujets qui éprouvent de grande difficulté à se stabiliser émotionnellement pendant quelques temps, pourront faciliter le passage à l’étape suivante. Un seul mot d’ordre : battez vous !
Une dernière étape peut être rajoutée. Il s’agit du « pic de l’arrière de l’esprit »
8. Backdoor spike
Une étape que le sujet peut également rencontrer sur son chemin vers l’habituation s’appelle le « backdoor spike », que l’on pourrait traduire par le pic de l’arrière de l’esprit. Il s’agit de l’état pendant lequel le sujet rumine, doute, de… ne pas angoisser dans sa relation amoureuse ! Trop habitué à angoisser, le sujet en vient à assimiler l’anxiété comme son état normal. Lorsque l’anxiété le quitte, la peur de ne pas angoisser peut parfois survenir. A lire en anglais.
On peut l'expliquer par le fait de continuer à avoir des pensées concernant le toc sans avoir d'angoisses associées. Le Dr Philipson explique que le fait d'être anxieux en ayant ces pensées permet quelque part de se rassurer sur le fait d'avoir le trouble et que quelque chose ne fonctionne pas. Toutefois, le fait de ne pas être anxieux en ayant ces pensées déclenche un nouveau pic d'anxiété car alors on se dit que cela signifie que nos pensées sont "réelles".
Exemple : « Tiens donc, j'ai pensé qu'il/elle était ennuyant(e) et cela ne m'a pas angoissé(e)… cela veut dire qu'il/elle est vraiment ennuyant(e), et que je ne peux pas aimer quelqu'un qui est ennuyant(e) ! »
Ce phénomène est propre aux tocs dits de pensées, cela fait notamment partie de l’habituation, puisque le votre cerveau s'est habitué à vivre angoissé et a peur de ne plus l'être. Les tocs sont des troubles relativement « vicieux » car ils sont toujours nourris par le doute : « mais si je n'angoisse plus, c'est donc que notre relation ne fonctionne plus ? ». Le cerveau trouvera toujours des alternatives pour entraver l’accès à l’habituation, la rémission.
Le souffrant ne doit pas oublier : le problème c'est la maladie et non le conjoint.
Un conseil à donner serait donc : Faites confiance à vos thérapeutes et travaillez chaque jour pour avancer vers l'habituation : méditation, tenir un journal des pensées, suivre bien votre traitement, et continuez à vous informer sur les sites appropriés.
Rédaction : Sylvaine Belloni et Valéria Bard